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Amitié forestière

  • Photo du rédacteur: Christine Chevron
    Christine Chevron
  • il y a 7 jours
  • 4 min de lecture



Il y a longtemps que je ne réserve plus mon amitié aux seuls individus du genre humain .Il existe toujours, au delà du langage, au delà de l'espèce, un endroit où se rejoignent les âmes.

Il y a 2 ans de cela, je me suis liée à un drôle d'ami. Son nom pourtant ne m'évoquait rien de très drôle : c'était un magnifique bouleau.

Ce matin de février, le soleil était si pâle qu’il avait l’air malade.

On aurait dit que lui aussi s’était levé contraint et forcé, parce qu'il sentait que la vie lui promettait une belle rencontre.

J’avais rendez-vous dans cette forêt humide, au pied d’une montagne toute sombre, avec un grand inconnu à la silhouette longiligne.

C'est à son manteau blanc que je l'ai reconnu. C'est tout ce qu'il avait pour se couvrir, mais il ne tremblait pas. Il n'avait rien ni personne pour l'abriter de la pluie et du vent et faisait face à la vie avec dignité dans ce petit bois où la vie l'avait planté.

Et moi, j'ai toujours eu un faible pour ceux qui ne fuient pas devant la situation.

- »Bonjour Monsieur le Bouleau, Au cours de botanique, j'ai entendu parler des vertus de votre sève, et je voulais savoir si vous m'autoriseriez à en prélever un peu pour mon usage personnel ?

- Tu es bien de l'espèce humaine, répondit l'arbre. Toujours à vouloir tirer parti de tout! Et que sais-tu de ma sève alors ?

- Heu, je sais qu'on l'utilise en cure dépurative de printemps, qu'elle a une action bénéfique en cas de maladies de peau et d'allergies saisonnières, ainsi que pour les personnes atteintes de goutte, et qu'elle prévient la formation de calculs urinaires.

- C'est tout ? Tu as bien des choses à apprendre encore sur moi ! J'ai une foule d'autres propriétés !

- Vous m'apprendrez ?

- On verra ! Répondit l'arbre avec un peu de brusquerie. Et comment comptes-tu t'y prendre pour prélever ma sève ? Tu vas me trouer l'écorce ?

- Oui, mais ce sera juste un petit trou de rien du tout, vous ne sentirez presque rien. Et puis je mettrai une paille dans le trou relié à une bouteille que j'accrocherai à votre tronc avec une sangle.

-Et j'aurai l'air de quoi avec ton Camelbak ? Tu veux me ridiculiser ?

Décidément, cet arbre était à fleur d'écorce...

- Mais non, c'est juste pour que la bouteille tienne ! Je le cacherai avec des feuilles et personne ne verra rien. Alors c'est d'accord ? Demandai-je avec inquiétude, tentant de le persuader.


- Seulement si tu me promets une chose : ne prélève pas plus d'une bouteille par jour. Viens chaque matin me rendre visite et rebouche le trou avant que mes bourgeons n'apparaissent. Bois un verre de ma sève à jeun, conserve le reste au frais et ne me gaspille pas.

Je promis et revins quelques heures plus tard armée d'une chignole à main, avec quelques offrandes à mon nouvel ami : un peu de sel, un peu de tabac comme font les chamans, et quelques violettes sacrifiées pour l'occasion, avec leur permission.

Avec le plus de douceur possible, je fis un trou dans l'écorce, la sève se mit immédiatement à couler. Il avait tenu sa promesse. Au fond, sous l'écorce un peu dure se cachait un arbre au cœur tendre et généreux.

- Avez-vous mal ?

- Je n'ai rien senti du tout ! Dit-il , l'air amusé.

- Mais dites-moi, qu'êtes-vous venu faire dans cette forêt ?

- Je suis ce qu'on appelle un arbre pionnier, de la famille des Betulacées. Je reconquiers les terres dénudées et je fertilise les sols pour que d'autres puissent ensuite s'y installer. J'étais l'arbre sacré des chamans de Sibérie. Ils m'avaient consacré à la lune à cause de mon écorce blanche. Je symbolise la renaissance printanière.

C'est au printemps que ma sève monte des racines et est dynamisée par son passage dans mes canaux conducteurs. On l'utilise essentiellement pour tous les problèmes du système ostéo-articulaire et du système cutané.

Tu en expérimenteras toi-même les bienfaits dès demain. »

Je m'éclipsai et revins le 2ème jour, et à ma grande surprise, la bouteille était pleine d'un liquide aussi transparent que l'eau.

- Et bien goûte-donc, dit l'arbre. Je ne vais pas t'empoisonner ! « 

Je m'exécutai. La sève avait un goût légèrement sucré qui la rendait très agréable à boire.

Pour qu'une amitié grandisse, il faut passer du temps ensemble. Je revins ainsi chaque jour durant 3 semaines. Mon ami de bois me racontait les propriétés de ses feuilles, de son écorce , de ses racines et de ses bourgeons.

 A boire sa sève, je sentais que je devenais chaque jour un peu plus proche de lui et plus en harmonie avec la nature. Quelque chose se transformait à l'intérieur, comme une renaissance, une reconnexion à mes racines.

L'arbre distillait en moi ses innombrables propriétés et je sentais couler en moi une vigueur nouvelle, je le comprenais de mieux en mieux, je m'arborisais.

Puis un jour, je vis apparaître sous le soleil printanier une nouvelle couleur à la cime de l'arbre. Les bourgeons se formaient, ils auraient besoin de la sève pour se développer. Il était temps de nous séparer.

L'arbre me dit comment refermer la plaie : une brindille, de l'argile mêlée de terre et quelques violettes (Viola odorata) , le tout agrémenté d'un capitule de pissenlit , petit soleil ébouriffé posé là pour lui réchauffer le cœur.

Je reviens saluer mon ami chaque fois que je peux et j'aime à croire qu'en plus de revivifier et nettoyer mon organisme, le bouleau m'a transmis un peu de la sagesse des arbres, ces géants de bois devant lesquels nous passons chaque jour avec indifférence.

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