Le maître devant ma fenêtre
- Christine Chevron
- il y a 7 jours
- 3 min de lecture

Ça y est, j’ai finalement cédé au conformisme ambiant et défait le sapin de Noël. Pourquoi chaque année ai-je tant de mal à ranger ces petits trésors scintillants, ceux-là mêmes que j’ai pris tant de plaisir à accrocher, un à un, en les choisissant avec soin ? Peut-être parce qu’en les remisant dans leur boite aux odeurs de renfermé, j’ai l’impression de refermer une parenthèse enchantée, une étincelle de magie qui me manque déjà.
Tandis que je rangeais les décorations avec un soupir de nostalgie, j’ai entendu une petite voix venir de l’autre côté de la fenêtre :
- Tu sais, moi aussi j’ai été un sapin de Noël.
Surprise, je me suis approchée. D’ordinaire silencieux, le sapin devant la fenêtre poursuivit :
- Oh ! C’était il y a bien longtemps, je n’étais encore qu’un arbrisseau aux aiguilles vert tendre. Moi aussi, on m’avait paré de lumières et de décorations scintillantes. J’ai fait briller des yeux et réchauffé des cœurs. Je me sentais quelqu’un de très important. Et puis, les fêtes passées, on m’a planté ici. Depuis, je veille et je garde au fond de mes branches le souvenir de cette magie,
Moi : Tes vertes montagnes ne te manquent donc pas ?
Sapin : (dans un soupir de brise) Pas vraiment. Ce jardin est paisible, et j’y trouve ma place. Nous les sapins, sommes des arbres humbles. Mais dis-moi, sais-tu d’où vient cette tradition du spin de Noël ?
Moi : Non, pas précisément. J’imagine que c’est une coutume récente…
Sapin : (avec un léger rire) Pas si récente, en réalité. Cette tradition plonge ses racines dans les croyances païennes. Dans les temps anciens, bien avant que je ne sois paré de guirlandes, mes cousins étaient vénérés comme des symboles de vie éternelle. Au plus profond de l’hiver, quand tout semblait mort, nos aiguilles vertes rappelaient que la vie persistait.
Moi : Génial ! Et comment cette tradition a-t-elle évolué ?
Sapin : Les peuples nordiques nous associaient à Yggdrasil, l’arbre-monde des légendes. Plus tard, au Moyen-âge, on a commencé à nous décorer avec des pommes pour symboliser l’arbre du paradis. Au fil du temps, les pommes ont été remplacées par des boules, et nous avons pris place dans les foyers, porteurs de lumière et d’espoir.
Moi : Dommage que pour beaucoup de tes congénères, Noël soit aujourd’hui le début d’une lente agonie, condamnés à se dessécher dans un coin...As-tu des vertus médicinales ?
Sapin : ma résine est précieuse et peut soigner les plaies, apaiser les inflammations. Mes aiguilles et mes bourgeons servent à soulager les affections respiratoires, comme les rhumes et les toux. Mon huile essentielle, extraite de mes branches, a des propriétés antiseptique et énergisante. D’ailleurs, tu peux aussi utiliser mes aiguilles pour préparer des infusions et des bains tonifiants.
Moi : J’ai toujours cultivé l’idée poétique que chaque rencontre répond à un besoin de l’âme. Crois-tu que ce soit le hasard qui t’a planté devant ma fenêtre ?
Sapin : Rien n’arrive par hasard, humaine. Je suis ici pour te rappeler la persévérance et la résilience. Je suis la preuve que l’on peut s’acclimater à une milieu qui n’est pas le sien. Au cœur de l’hiver, quand tout paraît figé, nous les sapins incarnons l’espoir de la vie sans cesse renouvelée «
Le sapin et moi, nous partageons plus qu’un jardin. Il m’a appris à ralentir, à écouter le chuchotement de la vie qui circule dans ses branches. En retour, je veille sur lui, m’assurant qu’il reste vigoureux et en paix.
Je remercie celle ou celui qui lui a offert une deuxième chance, car dans ce lien unique, il y a bien plus qu’une coïncidence,
Le sapin septuagénaire du marché de Strasbourg, quant à lui, n’a pas eu cette chance. Il ne reverra plus jamais la forêt vosgienne qui l’a vu naître et où il coulait des jours heureux, jusqu’à ce qu’on l’arrache à sa terre pour décorer la place de la gare. Noël passé, on l’a changé en compost et on appelle cela de l’écologie.
Là où certains voient un être vénérable dressé entre ciel et terre, un compagnon apaisant et majestueux, d’autres songent au profit qu’ils tireront de son bois et surveillent de près le prix du stère.
Peut-être est-il temps de décider à quelle espèce nous voulons appartenir ?
コメント